Argumentaire Solidaires
sur les 2,6 milliards du plan Sarkozy
Cette enveloppe est largement insuffisante pour une véritable relance de la consommation. Ces 2,6 milliards sont à mettre en rapport avec les sommes déversées et les allégements de cotisations, aux banques, aux entreprises et aux actionnaires :
– sauvetage des banques : 21 milliards de prêts effectués et 340 milliards prévus.
– dividendes aux actionnaires des entreprises du CAC 40Â : 54 milliards
– paquet fiscal : 15 milliards
– niches fiscales : 70 milliards
– exonérations de charges sociales : 33 milliards
– taxe professionnelle : 8 milliards
Pour Solidaires, toutes les mesures gouvernementales sont à analyser en fonction du principe que ce ne sont pas aux salariés de payer la crise ; toutes réponses alternatives sont à définir en fonction de la nécessité d’un nouveau partage de la richesse.
1. Emploi, chômage, formation
a) Chômage partiel
Mesures Sarkozy
75 % du salaire brut avec indemnité horaire plancher de 6,84 euros. Financement tripartite (entreprise, état, UNEDIC) Conventions entre état, branches ou entreprises Modulations des échéances du remboursement des prêts immobiliers par les banques pour les salariés au chômage partiel.
Position Solidaires
Montant et financement : 100 % du salaire brut, financement uniquement par un fonds patronal mutualisé afin que tous les salariés des grandes comme les petites entreprises puissent en bénéficier et que les salariés n’y contribuent pas de manière indirecte, via l’état ou l’UNEDIC.
b) Prime pour salariés précaires
Mesures Sarkozy
Les chômeurs inscrits au 1er avril 2009 (ou au 1er mai, selon la date de d’entrée en vigueur de la nouvelle convention d’Assurance chômage prévue au 30 avril) ayant travaillé entre 2 et 4 mois (période d’essai de CDI incluse) sur les 28 derniers mois, toucheront 500 euros en une seule fois, mesure pour une durée de 12 mois. Coût 117 millions d’euros pour une estimation de 234 000 bénéficiaires (notamment les jeunes).
Position Solidaires
Les conséquences de cette mesure ne peuvent être regardé qu’en complément de la nouvelle convention assurance-chômage qui exige pour percevoir des allocations lors de la première inscription, 4 mois de cotisations sur les 28 derniers mois (contre 6 mois dans les 22 derniers mois auparavant) et, pour la seconde inscription au chômage (ce qui va devenir encore plus fréquent dans un contexte de crise) 6 mois dans les 12 derniers mois ! Convention qui demande l’agrément de l’Etat. L’Etat, en instaurant une prime ponctuelle de 500 euros fait payer de fait aux contribuables une indemnisation qui devrait être financée par les cotisations patronales et, par ailleurs, ne voit aucun obstacle à l’agrément de la convention assurance-chômage contenant nombres de régressions.
c) Formation
Mesures Sarkozy
Développement des formations en alternance (via le contrat de professionnalisation) pour les jeunes et les moins qualifiés.
Position Solidaires
Le contrat de professionnalisation en CDD ou CDI (qui remplace depuis 2007 l’ancien contrat de qualification) s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans et aux chômeurs de plus de 26 ans. Les jeunes sont rémunérés en pourcentage du SMIC selon leur âge et leur niveau de formation. Les plus de 26 ans perçoivent une rémunération qui ne peut être inférieure au SMIC, ni à 85 % du salaire minimum conventionnel. Des exonérations de cotisations patronales sont prévues. Les actions de formation sont financées par les OPCA (une centaine d’organismes paritaires collecteurs agréés abondés à hauteur de 10 milliards par an par les employeurs).
Il s’agit d’un effet d’annonces qui ne fait que rappeler un système existant. De plus, nous doutons de la réelle mise en œuvre d’un plan audacieux sur la formation continue, dans une période de démantèlement du service public de l’AFPA, de sa mise en concurrence avec des organismes de formation privés et de la remise en cause récente par la Cour des Comptes de la gestion des fonds collectés par les OPCA…
Quant au suivi des jeunes par Pôle emploi, il s’agit d’une plaisanterie. L’explosion du chômage et le fonctionnement à budget constant de Pôle emploi, ne permettent déjà pas au personnel de délivrer un service de qualité.
d) Le fonds investissement social
Mesures Sarkozy
Reprise de la proposition de la CFDT. Ce fonds de 2,5 milliards à 3 milliards pendant deux ans, serait consacré à la formation des chômeurs, des CDD, des licenciés économiques (contrat de transition professionnel et convention de reclassement personnalisé), des salariés au chômage technique, à l’appui aux accords de GPEC…
Position Solidaires
Cette mesure reste floue dans son contenu et son financement : ce fonds serait financé pour moitié par l’Etat, donc encore par les contribuables, l’autre moitié par les partenaires sociaux (sans doute via les différentes instances paritaires, comme l’UNEDIC par exemple). Elle s’avère insuffisante : on est loin du chiffrage de 6 milliards, calculé par la CFDT, et du financement par la suspension de certaines dispositions de la loi Tepa (défiscalisation des heures supplémentaires, bouclier fiscal) !
e) Emploi
Position Solidaires
Les mesures, annoncées précédemment d’exonérations de charges sociales à proximité du SMIC réservées aux TPE de moins de 20 salariés, complètent un dispositif d’exonérations de cotisations sociales qui s’élève à plus de 30 milliards d’euros par an. Il repose sur l’idée que le coût du travail serait l’obstacle principal à l’emploi, idée libérale erronée : certes, une entreprise veut évidemment payer ses salariés le moins possible, mais elle n’embauchera que si elle ne peut pas honorer ses carnets de commande avec ses effectifs du moment ou que si elle anticipe un accroissement de son activité. Les exonérations de cotisations sociales ne pousseront jamais une entreprise à embaucher si elle n’en a pas la nécessité économique. Cette mesure représente un effet d’aubaine pour une entreprise qui, ayant de toute façon prévue de recruter, se voit subventionner pour le faire. Il est d’ailleurs à noter qu’aucune étude économique, ex post, n’a jamais pu mettre en évidence les effets de ce type de mesure sur l’emploi.
La reprise des contrats aidés à hauteur de 383 000 contrats en 2009, ne représentant en réalité que 40 000 contrats de plus qu’en 2008. La suppression, confirmée, de 30 000 emplois publics, caractérise une politique de régression sociale et de dépérissement des services publics.
2. Fiscalité
Mesures Sarkozy
À titre exceptionnel, suppression du deuxième et troisième tiers provisionnels de l’impôt, pour les foyers fiscaux de la 1ère tranche (revenu fiscal entre 5 852 et 11 673 euros par part de quotient familial), montant de 200 euros en moyenne par foyer. De 95 à 460 euros selon les familles. 4 millions de ménages concernés pour un coût de 800 millions d’euros en 2009. Crédit d’impôt pour 2 millions de ménages dépassant légèrement la 1ère tranche. Coût 300 millions d’euros. Suppression d’une partie de la taxe professionnelle pour les entreprises : 8 milliards d’euros
Position Solidaires
Cette mesure n’aide pas les plus démunis, les plus de 16 millions de personnes non-imposables… qui ne verront que les conséquences néfastes inévitables de toute réduction d’impôts, la baisse des services publics dont ils ont tant besoin.
Cette mesure bénéficie plus aux ménages qui gagnent le plus :
– 23 € pour un célibataire avec 11 200 € de revenu net imposable,
– 621 € pour un ménage avec 2 enfants et 34 000 € de revenu net imposable,
– 916 € pour un ménage avec 3 enfants et 45 000 € de revenu net imposable.
Il faudrait une réforme radicale de la fiscalité avec une accentuation de la progressivité de l’impôt sur le revenu qui augmente la contribution des plus riches.
Une aide immédiate des plus démunis et une relance par la consommation pourrait reposer sur la baisse ou la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité.
3) Allocation rentrée scolaire et bons d’achats de services à la personne
Mesures Sarkozy
– Prime de rentrée scolaire de 150 euros en une seule fois à partir de juin 2009 pour 3 millions de familles modestes ayant des enfants de plus de 6 ans. Coût 450 millions d’euros.
– Bons d’achats de service à la personne de 200 euros pour certains ménages, financés par les intérêts des prêts versés par l’état aux banques.
Position Solidaires
Ces deux mesures seront appréciées par les personnes qui en profiteront, mais elles ne résoudront pas la crise et ne répondent pas aux besoins des familles. La dernière mesure ne correspond pas à la demande du développement des services publics à la personne (enfants ou personnes âgées).
4) Partage de la richesse
Mesures Sarkozy
Nicolas Sarkozy se dit « partisan d’une règle de partage des bénéfices en trois tiers : un tiers pour les actionnaires, un tiers pour l’investissement, un tiers pour les salariés ». Il n’avance aucune mesure immédiate, il commande un rapport sur le sujet, sans fixer d’échéances.
Position Solidaires
Au-delà de la démagogie du propos – il refuse dans le même temps toute augmentation de salaire en disant clairement non à une évolution du SMIC – de quoi s’agit-il ? Une éventuelle mesure ne peut pas être un partage de la valeur ajoutée, ni un partage de l’ensemble du profit, mais peut-être un partage de la partie du profit qui reste après retrait des amortissements :
Partage de la valeur ajoutée brute ?
Elle correspond à la richesse créée dans l’entreprise, ce que les salariés ont ajouté par leur travail aux biens et services achetés par l’entreprise. On parle de valeur ajoutée brute car elle intègre la « consommation de capital fixe », c’est-à -dire l’usure des équipements. Elle fait l’objet d’un partage entre salaires et profits – après paiement de l’impôt sur les sociétés et des intérêts des emprunts -, qui constitue la formation des revenus primaires.
Selon l’Insee, la part des salaires dans la valeur ajoutée brute était de 66,3 % en 1960. Elle augmente lentement de 1960 à 1970, puis plus rapidement jusqu’en 1982 où elle atteint 74,1 %. Elle redescend à 63,5 % en 1998. Elle a légèrement augmenté pendant la période Jospin, puis se stabilise plus ou moins depuis. En 2007, elle était de 65,1 %. Un des problèmes de ces chiffres, c’est que l’Insee compte la participation et l’intéressement comme faisant partie de la masse salariale. Si on raisonne en salaire strict (salaire direct et cotisation sociale), la part salariale est évidemment plus basse. Quoi qu’il en soit, on peut dire grosso modo que la part de la richesse produite revenant aux salariés a baissé d’environ 10 points (15 %) entre 1982 et aujourd’hui. Cela correspond à un transfert de 180 milliards d’euros de la masse salariale vers les profits, somme que nous utilisons souvent pour appuyer la faisabilité de nos revendications en matière de salaire, retraite, protection sociale… Si l’on rapporte la masse salariale (salaire direct et cotisation sociales) aux dividendes versés aux actionnaires, ces derniers en 2007 représentaient 12,4 % de la masse salariale contre 4,4 % en 1982 (calcul fait par Michel Husson du Conseil scientifique d’Attac).
L’éventuelle mesure de Sarkozy ne peut pas porter sur cette valeur ajoutée : réduire la part revenant aux salariés de 2/3 à 1/3 serait une détonante régression sociale (diminuer par 2 l’actuelle masse salariale !)
Partage du profit ?
Comment s’effectue aujourd’hui le partage du profit ? Une note de l’Insee (16/02/09) indique que 42 % est distribué, essentiellement aux actionnaires, que 6 % vont aux salariés sous forme d’intéressement et de participation et 52 % reste à l’entreprise pour ses investissements, y compris l’amortissement et ses placements. Passer ces 3 parts (42% actionnaires, 6% salariés, 52% entreprise) à 33,3% chacune ne semble pas non plus envisageable car la pérennisation de l’entreprise impose de remplacer les équipements usés et la baisse des investissements paraît, à juste titre, exclu.
Partage d’une partie du profit ?
Si, du profit, on retire l’amortissement, qui est simplement le remplacement indispensable d’équipements usés, on arrive, pour les sociétés non financières, à des résultats sensiblement différents : 75 % va aux actionnaires, 16 % aux salariés et 9 % finance le développement des entreprises (calcul fait par Guillaume Duval d’Alternatives économiques).
Quoi qu’il en soit, son application supposerait une baisse considérable des dividendes versés aux actionnaires et une augmentation de la participation et de l’intéressement.
Solidaires demande une augmentation des salaires et non de la participation et de l’intéressement, particulièrement inégalitaires, qui ne touchent qu’un salarié sur deux et défavorisent les salariés des petites entreprises : un salarié sur dix est concerné dans les entreprises de moins de 50 salariés. Ils bénéficient beaucoup plus aux cadres qu’aux autres catégories et concernent peu les personnels précaires.
Nicolas Sarkozy refuse que la baisse des dividendes se traduise par un rééquilibrage de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Cela s’explique, outre les caractéristiques des mécanismes de participation, par le fait qu’il est beaucoup plus difficile de remettre en cause le salaire qui « est rigide à la baisse » alors que l’intéressement et la participation, qui est de plus bloquée cinq ans, peuvent l’être beaucoup plus facilement. De plus, l’intéressement et la participation ne sont pas prises en compte pour le calcul de la retraite.
Ce « partage des bénéfices en 3 tiers » n’est-il qu’un effet d’annonce ? Le MEDEF a réagi aussitôt : « seul l’actionnaire peut décider du montant des dividendes », qui relève du « droit de propriété », et insiste en affirmant qu’il « n’était ni du ressort de l’Etat, ni des salariés d’en décider ».
Les actionnaires vont-ils se voir imposer une baisse de leurs dividendes ? A suivre…
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